Le secteur de l’intérim résilient mise fortement sur les transitions, l’activation et la formation

Filip Tilleman, spécialiste du droit du travail, a invité Ann Cattelain, CEO de Federgon, pour une discussion passionnante sur le travail intérimaire. La femme au sommet de la fédération professionnelle souligne le rôle que le système du travail intérimaire a joué pendant la crise du coronavirus. L’entretien nous emmène aussi vers les défis et les ambitions pour les années à venir en matière de travail intérimaire. 

Quel a été l’effet du coronavirus sur l’emploi intérimaire ?

« Cela a avant tout et surtout représenté un énorme recul », dit Mme Cattelain. Les chiffres de Federgon montrent que pendant la période initiale de l’épidémie du COVID-19, en mars et avril 2020, le nombre total d’heures de travail intérimaire en Belgique a été réduit de moitié. « Nous n’avions évidemment jamais connu cela auparavant », déclare Mme Cattelain. En outre, les travailleurs intérimaires n’avaient initialement pas droit au chômage temporaire, mais suite à l’insistance de Federgon, c’est rapidement devenu possible sous certaines conditions.

Il convient de noter que dès les mois de mai et juin 2020, les chiffres du travail intérimaire se sont mis à remonter. À l’été 2020, les chiffres n’étaient pas bons du fait de la crise du coronavirus, il y avait beaucoup moins d’étudiants jobistes. « Heureusement, à l’automne, les chiffres ont recommencé à augmenter progressivement pour atteindre, fin 2020, -15 % par rapport à l’année précédente », a déclaré Mme Cattelain. 

Les chiffres du travail intérimaire sont toujours suivis de très près par un certain nombre d’organisations, comme la Banque nationale. « Nos chiffres sont généralement le signe avant-coureur d’une conjoncture économique à la hausse », déclare Mme Cattelain. Le secteur du travail intérimaire est toujours le premier à être touché, mais il est aussi toujours le premier à se redresser. 

« En 2021, les chiffres pourraient encore être légèrement négatifs, mais en fait, l’emploi intérimaire revient plus ou moins au niveau de 2019 », note Mme Cattelain. Pour Mme Cattelain, il s’agit d’une conséquence logique du système du travail intérimaire, qui vise spécifiquement à combler les courtes périodes et à fournir la flexibilité nécessaire. C’est pourquoi le travail intérimaire se redresse et reprend si rapidement.

« Les chiffres montrent que le travail intérimaire en tant que système est très résilient et qu’il s’est redressé assez rapidement après le grand plongeon de mars dû au coronavirus. » Ann Cattelain, CEO de Federgon.

Motiver les personnes à reprendre le travail pendant la pandémie

Dans la période initiale de la crise du coronavirus, il y avait naturellement une certaine réticence à recourir au travail intérimaire, tant du côté des employeurs que de celui des travailleurs. Les employeurs se sont retrouvés dans l’incertitude et les travailleurs ont été correctement indemnisés pour rester à la maison. Mais le système du chômage temporaire coûte beaucoup d’argent aux autorités et il y avait toujours du travail à faire. Bref, les personnes bloquées chez elles en chômage temporaire devaient être motivées pour reprendre le travail, si nécessaire temporairement dans un autre secteur. 

« Il y a eu de très beaux projets, même pendant l’épidémie de COVID-19, notamment, la coopération entre Decathlon et Colruyt », dit Mme Cattelain. Decathlon a dû fermer temporairement ses portes pendant cette période et Colruyt a manqué de personnel. La solution était donc évidente. Les médias n’en ont pas beaucoup parlé, mais cet échange de personnel a été organisé par une agence d’intérim. Mme Cattelain donne encore un autre exemple, cette fois dans le secteur de l’aviation. Quand le trafic aérien s’est retrouvé pratiquement à l’arrêt, Aviato a facilité la transition temporaire vers d’autres secteurs de nombreux collaborateurs de l’aéroport – également en étroite collaboration avec plusieurs agences d’intérim.

Cependant, le transfert des collaborateurs d’un endroit à l’autre ne s’est pas avéré facile en raison du chômage temporaire. En raison de l’allocation substantielle prévue par les autorités pour rester à la maison, les travailleurs étaient souvent peu motivés pour accepter un travail intérimaire ailleurs. 

« Heureusement que le travail intérimaire existe », dit Filip Tilleman, « car il n’y a presque pas de bonne alternative pour une entreprise qui ne peut pas recruter et qui cherche de la main-d’œuvre temporaire ». Selon M. Tilleman, grâce au travail intérimaire, l’employeur et le travailleur se retrouvent sans problème afin d’absorber ces creux et ces pics.

« Il y avait également une forte demande dans le secteur des soins de santé », ajoute Mme Cattelain. « Il a été établi qu’il s’agit souvent d’institutions publiques ou semi-publiques où il n’y a pas encore de tradition de travail avec notre secteur. » Grâce à la formation, le secteur du travail intérimaire a trouvé des solutions créatives pour permettre aux personnes qui se forment au métier d’aide-soignant de travailler à mi-temps, par exemple dans le service logistique d’un centre de soins. 

« Le travail intérimaire est surtout connu pour faire venir des travailleurs intérimaires en période de pic de travail. On connaît moins le rôle que joue le travail intérimaire pour maintenir l’entreprise en activité pendant les périodes creuses et pour être en mesure de recruter à nouveau après un creux. » Filip Tilleman, spécialiste du droit du travail chez Tilleman Van Hoogenbemt

Le travail intérimaire offre également des opportunités à différents groupes cibles spécifiques

« La nécessité du travail intérimaire n’est heureusement plus un sujet de discussion en Belgique », déclare Mme Cattelain. Le secteur du travail intérimaire a toujours voulu être là pour les personnes qui veulent faire leurs preuves ou celles qui éprouveraient des difficultés à obtenir un contrat à durée indéterminée. « Un contrat de travail intérimaire donne à ces personnes l’opportunité de montrer ce dont elles sont capables. Cela se vérifie en tout cas pour un certain nombre de groupes cibles qui ont plus de difficultés sur le marché du travail, notamment les personnes qui n’ont pas de diplôme. Sans cela, il y aurait fort à parier que ces groupes cibles seraient condamnés au chômage. »

Federgon souhaite faire plus largement connaître ce rôle du travail intérimaire et améliorer encore la réputation du secteur. L’ambition est de faire en sorte que le travail intérimaire – également pour les personnes ayant un niveau d’éducation élevé et pour celles qui ont de l’expérience – soit accepté comme une étape normale. 

Federgon dispose, par exemple, également d’un fonds de formation avec des cours de courte durée pour permettre aux personnes de retrouver rapidement un emploi.

Le travail intérimaire a le vent en poupe

Les chiffres du travail intérimaire évoluent progressivement : il y a quelques années, plus de la moitié des travailleurs intérimaires avaient moins de 25 ans. Aujourd’hui, la courbe d’âge est répartie de manière homogène sur l’ensemble de la population. Aujourd’hui, de nombreuses initiatives et agences s’adressent aussi spécifiquement aux travailleurs un peu plus âgés. « Nos chiffres comptent de nombreuses personnes de plus de 50 ans, aussi de plus de 60 ans et même des retraités qui sont atteints via le travail intérimaire », ajoute Mme Cattelain.

« Nous constatons également un besoin croissant des jeunes de recourir à des contrats de courte durée », ajoute Mme Cattelain. Les étudiants jobistes en sont un bon exemple. « Chez Federgon, nous misons aussi fortement ce groupe cible afin que la future génération puisse se familiariser avec le marché du travail et le travail intérimaire. » 

Mme Cattelain : « Nous nous dirigeons de plus en plus vers un marché du travail basé sur les candidats ». Cette situation est déjà exploitée par un certain nombre d’agences de travail intérimaire qui affirment qu’elles trouveront le poste lorsque vous serez libre et que vous aurez envie de travailler. « Nous voyons de plus en plus de systèmes dans lesquels l’agence de travail intérimaire et le travailleur intérimaire se mettent d’accord sur les périodes de travail et les périodes sans travail. Une fois ces périodes définies, l’agence cible spécifiquement sa recherche sur les emplois correspondants. » 

En outre, diverses expériences sont actuellement menées sur les contrats de travail intérimaire à durée indéterminée. Pendant toute une période, le travail intérimaire n’a pas figuré dans les priorités, mais cela change aujourd’hui, dit Mme Cattelain. 

Filip Tilleman : « Un employeur peut licencier une personne sous contrat à durée indéterminée à tout moment. Un contrat à durée déterminée de trois ans offre souvent plus de sécurité qu’un contrat à durée indéterminée. Avec un tel contrat, vous pouvez être quasi sûr d’avoir du travail pendant trois ans alors qu’avec un contrat à durée indéterminée, vous pouvez perdre votre emploi du jour au lendemain. »

« La sécurité liée à un contrat à durée indéterminée est en fait un mythe. Un contrat fixe n’offre pas une sécurité d’emploi absolue. Et, au contraire, un contrat à durée déterminée de trois ans offre souvent plus de sécurité qu’un contrat à durée indéterminée. » Filip Tilleman, spécialiste du droit du travail chez Tilleman Van Hoogenbemt

Le travail intérimaire offre les garanties juridiques nécessaires aux travailleurs intérimaires

Filip Tilleman : « Dans le débat sur le travail intérimaire, on entend parfois l’argument qu’un contrat de travail intérimaire est inférieur. Cet argument ne tient pas compte du fait qu’il existe un cadre juridique incroyablement strict en Belgique ». M. Tilleman fait référence à l’article 10, extrêmement important. Cet article stipule qu’un travailleur intérimaire doit recevoir exactement la même rémunération qu’un travailleur à durée indéterminée. C’est un argument très fort qui permet à Tilleman de dire que les contrats de travail intérimaire sont des contrats à part entière, « parce qu’un travailleur intérimaire ne peut pas être payé moins ». La seule différence se limite donc souvent à sa plus courte durée.

Tilleman : « Le fait que le CEO de la fédération sectorielle a une formation juridique et que chez Federgon, le service juridique soit de loin le plus grand service émet également un signal fort. Cela souligne le sérieux et le professionnalisme du secteur. Le secteur du travail intérimaire est fortement ancré dans le système juridique et, heureusement, à ce niveau, la perception s’est beaucoup améliorée. » 

Un plaidoyer solide en faveur des trajets de transition

Federgon plaide pour une plus grande mobilité sur le marché du travail et pour des transitions en douceur d’un emploi à l’autre. Dans ce contexte, le travail intérimaire peut être encore plus utilisé comme une sorte de contrat tampon entre deux emplois. Le nouveau concept des trajets de transition met en avant l’idée de pouvoir tester un nouvel emploi chez un autre employeur tout en restant en activité. En cas de licenciement ou de maladie de longue durée, par exemple, cela permet aux travailleurs de tester un nouvel employeur. Tout cela, grâce à un contrat de travail intérimaire de transition.

Mme Cattelain donne une autre possibilité de parcours de transition dans le secteur bancaire. « Dans ce secteur, certains profils sont dans l’impasse : les travailleurs qui ont une cinquantaine d’années, qui ont déjà fait toute une carrière et qui ne s’intéressent qu’au secteur bancaire », indique Mme Cattelain. Ces personnes ne penseront peut-être jamais à travailler dans le cadre d’un emploi intérimaire. Federgon souhaite que les contrats de transition intérimaires puissent également répondre à ce besoin, afin d’encourager ces personnes à explorer d’autres horizons. « Ainsi, même pour les profils seniors et les cols blancs ayant beaucoup d’expérience, nous pensons qu’il peut s’agir d’une solution et que cela devrait leur apparaître comme une étape logique. Après tout, nous allons tous travailler plus longtemps et il est donc encore plus important que chaque travailleur se sente heureux dans son travail », déclare Mme Cattelain.

« Nos solutions permettent aux personnes parfois mises à l’écart après une longue carrière de retrouver une nouvelle satisfaction professionnelle. » Ann Cattelain, CEO Federgon.

L’idée des trajets de transition s’inscrit également dans le prolongement de celle répandue dans le cercle RH de partager le personnel. Federgon dit que sur la base de la législation actuelle – article 31 – les entreprises n’ont pas la possibilité de simplement mettre réciproquement du personnel à disposition entre elles. La plus grande exception à cette règle est celle qu’offre le travail intérimaire. Les agences d’intérim ne font, ni plus, ni moins, que fournir du personnel bien précis. « Ce système est donc taillé sur mesure pour les agences d’intérim du fait que ce sont ces mêmes agences qui jouissent de la plus grande expérience en la matière », conclut Mme Cattelain. 

Il est urgent de moderniser le droit du travail

Le travailleur évolue et la flexibilité de son parcours professionnel nécessite également une modernisation du droit du travail, estime Mme Cattelain. Elle estime que pour atteindre le taux d’emploi de 80 % fixé par le gouvernement fédéral, il faudrait des réformes à différents niveaux. 

« Si nous ne voulons pas tous payer beaucoup plus d’impôts ou faire des économies exorbitantes, il n’y a qu’une seule solution, c’est de mettre plus de gens au travail », déclare fermement Mme Cattelain. Chez Federgon, trois thèmes sont primordiaux dans ce contexte : l’activation, la transition et la formation (apprentissage tout au long de la vie). 

« L’important, c’est de pouvoir faire une transition agréable d’un emploi à un autre et de ne pas rester à ne rien faire en touchant une allocation et en attendant que quelque chose tombe du ciel. Plus on reste longtemps inactif, plus il est difficile de reprendre pied sur le marché du travail. » Ann Cattelain, CEO Federgon.

Par exemple, un employeur peut avoir trop de personnel ou un personnel qui n’est plus adapté à l’évolution de son entreprise. La question se pose alors de savoir si cet employeur doit ou non licencier ce personnel.

Federgon veut également proposer une alternative à ce licenciement. « Investir dans l’accompagnement intensif et la formation et leur proposer un trajet de transition pendant qu’ils sont encore au travail et qu’ils continuent à être payés par leur employeur actuel », explique Mme Cattelain. Cela, pour leur permettre de tester un autre emploi, dans un secteur auquel ils n’auraient peut-être jamais osé penser. Entre le nouvel employeur et l’agence de travail intérimaire, ce mécanisme n’est rien d’autre qu’une relation de travail intérimaire classique. 

La différence, c’est que dans le cas du travail intérimaire classique, c’est l’agence d’intérim qui envoie la facture et qui paie les salaires. Dans le cas des trajets de transition, ce n’est plus nécessaire du fait que le salaire et les avantages salariaux continuent à être payés par l’employeur actuel, ce qui offre une plus grande tranquillité d’esprit au travailleur. « C’est pourquoi nous voudrions ajouter un passage à l’article 10 de la loi sur le travail temporaire qui stipule qu’en cas de trajet de transition, le salaire ne serait plus payé par l’agence de travail temporaire, mais bien par l’employeur actuel », dit Mme Cattelain. 

Mme Cattelain : « Pour boucler la boucle, nous avons également l’intention de reverser le salaire de cette période à l’employeur actuel afin d’aboutir à une opération quasi nulle pour lui. En plus d’un passage pour éviter le double salaire, nous aimerions aussi aller vers une réduction – ou mieux encore une exonération – des cotisations sociales afin de payer cet accompagnement intensif, tout au long du processus, et la formation. Les experts en coaching et en outplacement font un travail fantastique pour orienter les gens vers de nouveaux emplois appropriés », déclare Mme Cattelain. « De plus, le secteur du travail intérimaire est, par définition, intersectoriel, ce qui signifie qu’il y a plus de chances que nous trouvions l’adéquation idéale dans une autre entreprise et/ou dans un autre secteur. Car chacun mérite de trouver sa place idéale sur le marché du travail. »

« Les personnes qui reçoivent une somme d’argent en cas de licenciement ne sont souvent pas suffisamment motivées pour chercher immédiatement un nouvel emploi. Nous constatons que les gens attendent souvent trop longtemps, parfois même jusqu’à ce qu’ils n’aient plus d’argent, pour chercher un nouvel emploi. Mais avec le temps, ça devient beaucoup plus difficile, car certaines compétences et attitudes de travail finissent par disparaître. » Ann Cattelain, CEO Federgon.

Les partenaires sociaux ont beaucoup discuté de l’article 39ter, qu’ils veulent utiliser pour activer l’indemnité de départ. Ils n’ont toujours pas trouvé de solution. « Nous ne voulons pas l’attendre », dit Mme Cattelain. « Nous voulons surtout que les autorités investissent dans une exonération de l’ONSS pour justement éviter de payer des allocations de chômage. Pour l’employeur actuel qui veut licencier, le coût ne sera assurément pas plus élevé que pour un licenciement classique. L’objectif est que le travailleur opte pour un nouvel emploi et saute le pas. C’est une situation gagnant-gagnant, car le travailleur reste sur le marché du travail. » Il n’est donc pas renvoyé chez lui avec une somme d’argent. Cela avance aussi le moment d’entrée en action de l’outplacement qui ne se fait plus après le licenciement mais plus tôt, en vue justement, de pouvoir éviter le licenciement. Une variante pourrait être que la période de préavis soit utilisée pour tester un nouvel emploi.

Mme Cattelain explique que le travailleur qui accepte immédiatement un nouvel emploi bénéficierait toujours d’une indemnité (de licenciement), afin de rendre solution la plus attractive possible pour lui aussi. « Pendant le trajet de transition, nous prévoyons une dispense de prestations, de sorte que le salaire et les avantages salariaux comme l’assurance de groupe puissent être maintenus », explique Mme Cattelain. « Pour le travailleur c’est très confortable puisque tout continue comme avant et il peut immédiatement commencer à travailler ailleurs. » 

La réintégration des travailleurs en arrêt pour maladie de longue durée et qui ont fait un burn-out

Mme Cattelain voit également dans les trajets de transition une solution pour les personnes qui ont été en congé de maladie de longue durée. Les travailleurs en arrêt pour maladie de longue durée sont aujourd’hui près de 500 000 en Belgique. « Notre vision est qu’un travailleur en arrêt pour maladie de longue durée va d’abord se demander s’il veut et peut retourner chez son employeur actuel mais dans de nombreux cas ce n’est pas possible et nous voulons donc trouver plus rapidement des alternatives susceptibles d’apporter une solution au travailleur en arrêt pour maladie de longue durée qui veut reprendre le travail », explique Mme Cattelain. « À la fin du trajet de transition, ces travailleurs peuvent rejoindre un nouvel employeur avec un contrat à durée indéterminée. » Un contrat de transition est donc une sorte de contrat tampon et peut offrir une solution avec moins de risques pour le nouvel employeur et plus d’opportunités pour le travailleur.

« Un trajet de transition peut aussi être intéressant en cas de burn-out », précise Mme Cattelain. 

Federgon a élaboré un plan en douze points pour la réintégration de travailleurs en arrêt pour maladie de longue durée, car ce sujet est actuellement en discussion au sein du gouvernement fédéral. « Les entretiens montrent que sur les quelque 500 000 travailleurs en arrêt pour maladie de longue durée, un grand nombre d’entre eux souffrent de burn-out ou de problèmes au niveau du dos, des muscles et de la nuque. Et ce dernier groupe peut aussi, en partie, être ramené au groupe des troubles psychiques », précise Mme Cattelain.

Mme Cattelain constate la même chose qu’auparavant au niveau des licenciements : « Ces personnes tombent dans le système des allocations et il ne se passe rien pendant des mois – parfois même un an ou deux. Puis, soudain, on les contacte pour savoir s’ils veulent reprendre le travail, mais à ce moment, il est trop tard ». 

La réintégration chez le même employeur n’est souvent pas une solution en cas de burn-out. Mme Cattelain : « Cela, parce que l’origine du burn-out se situe souvent au niveau d’un conflit avec un collègue ou l’employeur. Mais « pousser » quelqu’un à reprendre le travail après un certain temps n’est souvent pas une solution. Le travailleur peut parfois avoir peur de retourner dans l’environnement dans lequel les choses ont mal tourné. Il faut oser passer au travers. Par conséquent, l’employeur est généralement obligé, au bout de quelques mois, de trouver une autre solution pour que le travail soit fait. Une solution alternative comme un trajet de transition peut alors s’avérer une bonne option.

Le rôle du travail intérimaire dans le maintien des personnes au travail plus longtemps

Mme Cattelain : « Federgon s’est engagé à mettre plus en avant la perception du travail intérimaire auprès de l’ensemble de la population. Nous voulons être présents dans les moments charnières de la vie des gens. D’où, les trajets de transition. Il contribuera également à atteindre l’objectif d’un taux d’emploi de 80 %. Nous espérons donc que les ministres et les gouvernements compétents nous suivront dans cette démarche, afin que nous puissions commencer à la mettre en œuvre. » 

« Tout est lié. Les gens vont travailler plus longtemps, nous avons besoin de plus de gens qui travaillent, nous avons besoin que les gens soient activés. » Ann Cattelain, CEO Federgon.

Mme Cattelain explique que les départs à la retraite sont plus nombreux que les entrées sur le marché du travail. Cela entraîne des pénuries sur le marché du travail. Une des solutions, dit-elle, est de faire en sorte que davantage de personnes soient disponibles.

Certaines agences d’intérim ciblent déjà spécifiquement les travailleurs âgés. « On remarque un glissement vers les travailleurs plus âgés », constate Mme Cattelain. « C’est aussi une bonne chose de permettre aux retraités qui n’aiment pas rester à la maison à ne rien faire de continuer à travailler grâce au travail intérimaire. » 

Le secteur de l’intérim comme pionnier de la numérisation du marché du travail 

« Dans le secteur de l’intérim, nous essayons toujours d’être un peu les pionniers, dit Mme Cattelain, y compris dans le domaine de la numérisation. » Les agences d’intérim ont naturellement de nombreux travailleurs : les travailleurs intérimaires. L’idée n’est pas de les faire venir au bureau tout le temps. C’est pourquoi le secteur veut le numériser. 

Depuis environ cinq ans, les travailleurs intérimaires ne doivent plus venir au bureau pour signer les documents administratifs. Dans le secteur de l’intérim, l’impression sur papier, l’envoi de lettres par la poste ou le classement manuel ont également été relégués aux oubliettes et cela depuis quelques années déjà, explique Mme Cattelain. Les contrats de travail sont téléchargés sur une plateforme et le travailleur temporaire les signe ensuite en ligne, généralement via son smartphone. 

« Federgon et UnifiedPost ont réussi à créer une plateforme sectorielle à laquelle sont connectées presque toutes les agences d’intérim agréées ainsi que les PME », explique Mme Cattelain.

« Nous avons également réussi à convaincre les politiciens de modifier la loi de 1987. Les syndicats s’y sont également ralliés, car pour les travailleurs, les contrats sont devenus plus clairs, avec aussi un historique précis des changements », explique Mme Cattelain. C’est ainsi qu’une situation gagnant-gagnant-gagnant a pu être créée. 

« Chaque année, près de 15 millions de contrats sont conclus et gérés numériquement dans notre secteur. Le taux de signature des contrats par les travailleurs intérimaires a également fortement augmenté grâce à cette numérisation, ce qui est salué par les syndicats. » Ann Cattelain, CEO Federgon.

« C’est aussi une solution dans le cadre de la crise du coronavirus », ajoute M. Tilleman. « Dans le monde des affaires, on comprend moins bien que l’on peut aussi signer légalement des contrats de cette manière. En ce sens, le secteur du travail intérimaire ouvre aussi les yeux d’autres entreprises et leur montre tout ce que le numérique permet de faire. » 

Mme Cattelain : « Dans le passé, quand les travailleurs restaient dans la même entreprise pendant presque toute leur carrière, il pouvait avoir du sens de prévoir un moment solennel et de signer les contrats dans le bureau. Mais aujourd’hui, avec des périodes d’emploi souvent plus courtes, par exemple dans le secteur de la distribution ou de la logistique ou encore dans le secteur des titres-services (qui relève également de Federgon, ndlr), il est utile de numériser complètement ce processus. » 

Pour Federgon, la prochaine étape sera le « WorkID ». Il s’agit d’une carte d’identité électronique avec un portefeuille de travail pour chaque travailleur intérimaire. Le travailleur intérimaire peut le gérer lui-même et partager certaines informations avec un employeur potentiel de sa propre initiative. « Aujourd’hui, chaque fois qu’un travailleur intérimaire entre dans une nouvelle agence d’intérim, il doit encore d’abord remplir de nombreux documents », explique Mme Cattelain. Avec ce Work ID, Federgon veut faciliter les choses pour l’ensemble du secteur – le tout dans le respect des règles du RGPD, bien sûr. « En fin de compte, un WorkID est utile pour tous les travailleurs, car il pourra, par exemple, être lié au compte de formation », ajoute Mme Cattelain. 

Mme Cattelain considère le compte formation comme un « sac à dos » numérique dont dispose chaque travailleur et qui contient un crédit pour suivre une formation ou bénéficier d’un accompagnement avec un partenaire de son choix. Étant donné que les travailleurs ont souvent du mal à évaluer leurs propres besoins en formation, le compte formation peut commencer par un scan ludique pour tester si le travailleur possède certaines compétences ou connaissances particulières. Sur la base de ce diagnostic, il serait ensuite proposé au travailleur de faire une formation donnée. Il recevrait ensuite une offre de formation et de dispensateurs de formation. « À notre avis, c’est plus motivant que de donner droit à cinq jours de formation, comme c’est actuellement proposé », dit Mme Cattelain. 

« Chez Federgon, nous croyons fermement qu’il faut responsabiliser les gens sans pour autant les abandonner. En plus d’un compte formation, l’accompagnement (de carrière) est également important pour armer les gens pour faire face à l’avenir. Une formation ne peut, en effet, être valorisée de manière optimale que si elle est associée à un accompagnement. » Ann Cattelain, CEO Federgon.

Un autre exemple d’une application utile de la numérisation est celui de la législation sur l’emploi des travailleurs étrangers. Des mesures ont été prises avec le « single permet » (permis unique), mais nous voulons parvenir à une base de données de tous les travailleurs étrangers, de sorte qu’en tant qu’employeur, vous puissiez rapidement voir si quelqu’un est ou non autorisé à travailler », explique Mme Cattelain. Par cela, la CEO de Federgon n’entend pas seulement les étrangers amenés ici pour travailler, mais surtout ceux qui sont déjà ici. Par le passé, il y a eu, à son avis, beaucoup de malentendus au niveau des interprétations des différents niveaux régional (travail) et fédéral (séjour). Federgon demande donc une base de données.

« Chez nous, tout est lié au numéro du registre national », explique Mme Cattelain. « Nous aimerions utiliser le numéro national avant même le début de la relation de travail. Vous ne pouvez pas faire grand-chose avec une photo ou avec les seuls noms, car il y a beaucoup de noms et de personnes qui se ressemblent. Nous devons être sûrs, dans l’intérêt de tous les acteurs, qu’il s’agit de la bonne personne ». 

Les syndicats et le secteur du travail intérimaire peuvent également être des partenaires.

Tilleman : « Chaque année, les syndicats inventent des histoires abracadabrantes sur le travail intérimaire, qui sont censées donner une mauvaise image du secteur. C’est pure illusion. Il y aura toujours, parmi les centaines de milliers de missions d’intérim, au moins un exemple de mission qui s’est mal passée. Mais ce type d’exemple peut tout aussi bien aussi être trouvé au niveau des travailleurs qui ont un contrat à durée indéterminée. Il n’est, pour autant, pas correct de mettre ainsi tout un secteur dans le même sac. Cette approche est également souvent alimentée par le dogme selon lequel « nous ne voulons que des travailleurs fixes ».

Mme Cattelain est d’accord avec ce qui suit : « pour les syndicats, le seul contrat à part entière est le contrat à durée indéterminée ou le statut de fonctionnaire. » La femme au sommet de Federgon ajoute qu’elle entretient généralement des relations constructives avec les syndicats. “Il y a ceux qui pensent de manière très positive, mais ils doivent aussi être capables de jouer leur rôle. Cela se fait parfois par des actions ludiques à l’aide de blocs de glace ou de ballons dans nos bureaux de Tour & Taxis. Cela fait partie du jeu. »

La concertation n’est donc manifestement pas vaine. Les négociations sectorielles approchent et Mme Cattelain espère qu’un accord sectoriel sera conclu. « Personnellement, plutôt que de continuer à discuter de choses sur lesquelles nous ne sommes pas d’accord, je préfère mettre mon énergie à chercher des choses que nous pouvons faire ensemble. Par exemple, en ce qui concerne les trajets de transition, nous espérons que les syndicats se rendront compte qu’il n’est pas mauvais pour eux, non plus, d’aller dans ce sens. »

Un autre exemple que donne Mme Cattelain dans lequel Federgon peut parfaitement travailler avec les syndicats est celui de la lutte contre les agences d’intérim illégales. « C’est là que nous trouvons dans les syndicats un partenaire », déclare Mme Cattelain. « Dans les chiffres de Limosa (‘système d’information transfrontalier pour la recherche en matière de migration auprès de l’administration sociale’, ndlr) nous avons vu que de très nombreuses agences d’intérim étrangères ne déclarent pas leurs activités de travail intérimaire parce qu’elles ne veulent pas respecter le cadre légal belge et ne veulent pas payer les salaires corrects ou offrir les garanties de mise. Au lieu de cela, elles s’inscrivent comme sous-traitants et tentent d’échapper à la législation. Des efforts importants seront toutefois désormais déployés pour lutter contre ces pratiques. Pour Federgon, il est important d’avoir des règles du jeu équitables. » 

Federgon veut s’attaquer à cette frontière entre le travail intérimaire et la sous-traitance, car il s’agit souvent en réalité d’agences d’intérim illégales actives sur le marché belge. Cela concerne plusieurs centaines d’entreprises, souvent concentrées dans la construction au sens large et la transformation de la viande. Pour Federgon, une agence de travail intérimaire est une agence de travail intérimaire agréée. Le problème, selon Mme Cattelain, est qu’un certain nombre d’obligations telles que Limosa sont fédérales et que les entreprises étrangères ne tiennent pas suffisamment compte des reconnaissances régionales. Car les agréments des agences d’intérim relèvent d’une compétence régionale répartie dans une commission d’agrément wallonne, bruxelloise et flamande. Pour Federgon, il ne s’agit d’agences de travail intérimaire que si elles ont effectivement passé le stade de l’agrément régional, mais beaucoup de ces entreprises étrangères ne disposent pas de cet agrément et n’offre donc aucune garantie à leurs travailleurs en cas de faillite. Elles ne respectent pas, non plus, l’article 10 sur les salaires et ne versent pas, par exemple, de prime de fin d’année conformément à la loi. « Il y a donc encore du pain sur la planche dans ce domaine », reconnaît Mme Cattelain. « Pour les services d’inspection, il est beaucoup plus difficile de collecter toutes les informations concernant ces acteurs étrangers que celles concernant les agences d’intérim belges pour lesquelles les dossiers sont clairs.  Enfin, en plus de cet agrément, Federgon œuvre également à la mise en place d’un label de qualité pour les agences d’intérim. » 

« Arriver à de bonnes relations sociales fait bien sûr partie de mes tâches. Nous avons déjà réalisé un certain nombre de choses au niveau de la formation des travailleurs intérimaires et des primes de pension dans différents secteurs. Nous avançons donc clairement dans le sens de certaines des préoccupations des syndicats. » Ann Cattelain, CEO Federgon.

Un bel avenir pour le secteur intérimaire

Selon Mme Cattelain, face à la crise du coronavirus, le secteur de l’intérim a fait preuve de résilience. Selon elle, il y a beaucoup de grands projets à venir, notamment les projets de transition et les contributions à un taux d’emploi de 80 % grâce à l’activation, la transition et la formation. La CEO de Federgon envisage également les prochaines négociations sectorielles en toute confiance. 

Mme Cattelain estime que le partage du personnel est un métier en soi et distinct. Le monde des RH en est également un monde de plus en plus conscient. “Il ne s’agit pas seulement de déplacer les travailleurs et dans un contrat, d’innombrables autres choses doivent également être préétablies : que se passe-t-il si quelqu’un tombe malade, si quelqu’un prend des congés, si quelqu’un veut suivre une formation,… ?«  Les agences d’intérim disposent d’un cadre juridique préexistant, soutenu par les partenaires sociaux, et depuis des années, elles ont fait de la mise à disposition et du partage de personnel leur principale activité. »

« Nos membres sont soumis à de nombreux contrôles, mais tout se passe bien parce qu’ils sont bien organisés et nous, en tant que secteur, nous en sommes assez fiers », conclut Mme Cattelain. « Nous obtenons également de très bons résultats en termes de diversité. Nous employons le plus grand nombre de travailleurs d’origine allochtone, nous comptons de nombreux collaborateurs seniors, etc. Nous offrons des opportunités à de nombreux groupes cibles difficilement accessibles autrement. Mais d’Arlon à Ostende, notre secteur est très décentralisé et il est toujours possible qu’une erreur de jugement se produise, mais je me sens en tout cas à l’aise par rapport à la manière dont notre secteur relève les défis du marché du travail. »

Ann Cattelain est CEO de Federgon depuis 2020. Elle a fait un master en droit à la KULeuven ; elle a obtenu un diplôme de troisième cycle à la Fiscale Hogeschool et elle a commencé sa carrière dans le secteur des assurances. Dès 1998, elle a rejoint Federgon en tant que Legal Advisor, avant de devenir Legal Director en 2005. Chaque année, les membres de Federgon accompagnent plus d’un million de personnes vers ou dans un emploi.

Federgon représente les secteurs suivants :

  • Travail intérimaire
  • Learning & Development
  • Reclassement 
  • Interim Management 
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