Parfois, l’employeur n’a d’autre choix que d’infliger une sanction. Un employeur qui souhaite sanctionner un travailleur doit alors respecter quelques règles de base. Les employeurs qui les négligent courent le risque qu’un tribunal décide que les sanctions infligées doivent être frappées de nullité.
Une sanction qui n’est pas énoncée dans le règlement de travail n’existe pas.
Un employeur peut uniquement infliger une sanction qui est renseignée dans le règlement de travail de l’entreprise. Supposons qu’un employeur souhaite suspendre son travailleur pendant 5 jours avec perte de salaire. Le règlement de travail – même s’il a été rédigé depuis longtemps – dispose toutefois que seule une suspension maximale de 3 jours peut être envisagée. La sanction imposant une suspension d’une durée de 5 jours ne pourra être infligée, même si cette sanction se justifie au vu des faits.
Preuve que le travailleur a reçu le règlement de travail.
En cas de litige, l’employeur devra pouvoir démontrer que le travailleur a effectivement reçu un exemplaire du règlement de travail alors en vigueur. Si l’employeur ne peut en apporter la preuve, le travailleur pourra alors opposer qu’aucun règlement de travail (et donc, aucune sanction possible) n’a été porté à sa connaissance. Dès lors, aucune sanction ne peut, de facto, être infligée au travailleur.
Tenir compte du principe de proportionnalité.
Un employeur ne peut infliger une sanction quelconque pour une faute quelconque. Quand il sanctionne un travailleur, un employeur doit toujours tenir compte du principe de proportionnalité. Un travailleur peut solliciter le Tribunal du travail afin que ce dernier juge que la sanction qui a été infligée au travailleur est disproportionnée par rapport à la faute. Le Tribunal du travail vérifiera ensuite si l’employeur a infligé une sanction manifestement déraisonnable ou non.
Attention à la sanction de rétrogradation !
Même si le règlement de travail dispose qu’un travailleur peut être sanctionné d’une rétrogradation, cette sanction n’est pas une bonne idée. En effet, il n’est pas exclu que le travailleur rétrogradé puisse invoquer la modification unilatérale de sa fonction. Cela est implicitement assimilé à un licenciement. Le travailleur peut affirmer que le contrat de travail a été implicitement résilié, ce qui engendre la redevabilité d’une indemnité de préavis. Ou, dans le cas le plus grave, la redevabilité d’une indemnité de protection correspondant à plusieurs années de salaire s’il s’agit, par exemple, d’un membre du conseil d’entreprise.
Un délai d’un jour ouvrable afin d’informer le travailleur.
Quand il s’agit de sanctionner un travailleur, le plus grand piège réside dans le fait que la sanction doit être notifiée au travailleur au plus tard le premier jour ouvrable suivant celui de la constatation de la faute. Ce délai extrêmement court d’un jour ouvrable débute à compter du moment auquel la personne compétente pour sanctionner a été informée de la faute. Il est donc possible que la faute ait été commise deux semaines auparavant, mais qu’une personne possédant les compétences de sanction ne soit informée de la faute concernée que deux semaines plus tard. Ensuite, cette personne possédant la compétence de sanction doit informer le travailleur au sujet de la nature de la sanction, et ce, au plus tard le jour ouvrable suivant la date à laquelle elle a été informée de la faute. Ce délai très court est imposé sous peine de nullité par l’article 17 de la loi du 8 avril 1965 sur les règlements de travail. Si, pour un motif quelconque, un employeur ne respecte pas ce court délai, un travailleur pourra solliciter le Tribunal du travail afin de faire annuler la sanction. En la matière, les Tribunaux du travail se montrent implacables. Si la sanction a été infligée tardivement, cette dernière sera inéluctablement frappée de nullité, quelle que soit la gravité de la faute commise par le travailleur.
La loi prime toujours.
Parfois, le règlement de travail dispose qu’une sanction doit, par exemple, être infligée dans un délai maximal de 3 jours. L’employeur estime qu’il peut dormir sur ses deux oreilles si la sanction est infligée dans ce délai de 3 jours. Toutefois, tel n’est pas le cas. L’article 17 de la loi sur les règlements de travail prime sur le contenu du règlement de travail. Le Tribunal du travail tiendra exclusivement compte du court délai légal d’un jour ouvrable pour se prononcer sur la validité ou l’invalidité de la sanction.
Preuve de la notification.
Étant donné que la loi sur les règlements de travail dispose que la sanction doit être notifiée au travailleur le premier jour ouvrable suivant, il n’est absolument pas certain qu’il suffise de signifier la sanction par lettre recommandée adressée le jour ouvrable suivant au travailleur. En effet, le travailleur ne recevra pas cette lettre le premier jour ouvrable suivant la date à laquelle l’employeur a été informé de la faute, ce qui implique de facto que la condition légale d’informer le travailleur le premier jour ouvrable suivant n’a pas été respectée. Conformément à la jurisprudence en vigueur de la Cour de cassation, il n’est pas nécessaire qu’un employeur notifie la sanction par écrit au travailleur le premier jour ouvrable suivant. L’employeur doit uniquement pouvoir démontrer qu’il a notifié la sanction au travailleur le premier jour ouvrable suivant. Pour ce faire, l’employeur peut, par exemple, inviter le travailleur à signer “pour réception” une copie de la lettre recommandée confirmant la sanction. Il est essentiel de formuler la lettre recommandée de telle sorte qu’elle ne soit, pour le surplus, qu’une confirmation de la sanction qui a été infligée le jour ouvrable suivant et de ne pas la rédiger d’une manière laissant entendre qu’elle seule informe le travailleur au sujet de la sanction.
Entendre d’abord le travailleur, de préférence.
Bien qu’il ne s’agisse pas d’une obligation légale explicite, il est chaudement recommandé d’entendre le travailleur avant d’infliger la sanction. Cette audition doit naturellement être organisée au plus tard le premier jour ouvrable suivant la prise de connaissance de la faute. Lors de cette audition, le travailleur doit être immédiatement informé de la sanction qui lui est infligée. Il est impossible d’informer le travailleur qu’il sera sanctionné, mais que la nature de la sanction ne lui sera communiquée que quelques jours plus tard (par exemple, après une concertation avec la direction ou après examen approfondi des faits).
L’importance des témoins.
Afin de pouvoir étayer la teneur de cet entretien, l’employeur doit inviter 2 personnes au moins à y assister. Par exemple, il peut s’agit du directeur du personnel et d’un responsable d’équipe. Si nécessaire, ces personnes pourront ultérieurement faire une déclaration sur la teneur de cet entretien. Si possible, il convient d’inviter le travailleur à signer une synthèse de l’entretien, même si nous constatons dans la pratique qu’un travailleur refuse souvent de signer un tel procès-verbal.
Obligations complémentaires imposées à l’employeur.
Un règlement de travail peut diverger à l’avantage du travailleur. Le règlement de travailleur peut prévoir une procédure imposant des obligations complémentaires à l’employeur et devant être respectées lorsqu’il s’agit de sanctionner un travailleur. Par exemple, la notification préalable à la délégation syndicale. L’employeur doit scrupuleusement respecter ces obligations complémentaires – telles que visées dans le règlement de travail -, et ce, sans aucune exception. Le Tribunal du travail fera également preuve de la plus grande intransigeance en la matière. Il est important de toujours conserver à l’esprit que l’employeur doit démontrer que ces obligations ont été respectées si un litige naît ultérieurement en la matière. Dès lors, il est recommandé à l’employeur d’informer la délégation syndicale par courriel (et non par téléphone) ou d’inviter le travailleur à signer un document stipulant qu’il renonce à une assistance syndicale durant un entretien déterminé, si cette possibilité a été énoncée dans le règlement de travail.
Inscription dans le registre.
Après avoir infligé la sanction, cette dernière doit être obligatoirement consignée dans le registre réservé à cet effet. L’inscription de la sanction dans le registre doit être exécutée avant la date du prochain paiement du salaire, au plus tard. Aucune condition de forme n’est imposée à la tenue de ce registre des sanctions. Tout écrit ou document peut donc faire office de registre de sanctions. Ce registre doit toutefois obligatoirement faire mention des noms des travailleurs concernés, de la date, du motif et de la nature de la sanction et, s’il s’agit d’une amende, du montant de cette dernière. L’employeur doit pouvoir présenter le registre si l’inspection en formule la demande.