« Des règles claires et une communication limpide » (interview avec Filip Tilleman dans HR.Square)

Comment éviter que des collaborateurs ne partent à la concurrence avec des informations d'entreprise sensibles ? Comment réagir quand un collaborateur est pris en flagrant délit de vol ? Et quid si un collaborateur envoie un e-mail, par erreur, à un destinataire erroné, de sorte qu'il est porté atteinte à la réputation de l'entreprise ? L'avocat Filip Tilleman donne quelques tuyaux.

De telles « insider threats » ou menaces internes qui sont formées par des collaborateurs qui ont accès à des garnisons précieuses de l’organisation à laquelle ils appartiennent, ne sont pas exceptionnelles, mais sont souvent sous-estimées. « La numérisation croissante facilite également l’envoi par un collaborateur de toutes sortes d’informations telles que des listes de clients, des listes des prix ou des offres, en secret, à une adresse e-mail privée. Il est déjà arrivé plus d’une fois que des collaborateurs photocopient de telles informations en cachette, durant les semaines précédant leur démission, par exemple parce qu’ils commencent une propre entreprise ou pour marquer des points auprès de leur nouvel employeur. Cela peut causer de grands dommages financiers et autres à une organisation », remarque Filip Tilleman, avocat auprès de Tilleman – Van Hoogenbemt. De quels moyens juridiques un employeur dispose-t-il quand l’un de ses collaborateurs cause des dommages, que ce soit de façon délibérée ou par erreur ?

« Intégrer explicitement dans la politique des évidences mêmes, telles qu’une interdiction de vol, n’est pas un luxe superflu. » Filip Tilleman 

Sur le plan préventif

« La législation du travail contient quelques obligations générales pour le travailleur, mais rien n’empêche un employeur de prévoir, dans le contrat de travail, des clauses supplémentaires, par exemple en matière de confidentialité. Dans le secteur financier, le contrat de travail peut contenir une obligation pour les travailleurs de signaler s’ils ont des dettes. Il est toutefois important de communiquer de façon transparente à ce sujet. »

Il avertit aussi quant à la proportionnalité. « Ces clauses doivent toutefois être pertinentes pour la fonction. Une telle obligation de signaler des dettes doit être justifiée dans le contrat de travail d’un employé de banque. Mais pas dans le contrat de travail d’un docker. »

On peut aussi penser à une clause de non-concurrence. « Il s’agit en fait, pour un employeur, d’interdire à un collaborateur d’exercer, après la fin du contrat de travail, une fonction identique auprès d’un concurrent. Même si les employeurs doutent souvent de l’utilité d’une telle clause, elle est néanmoins utile. Il s’agit souvent d’une protection ‘invisible’ : un travailleur reste auprès de son employeur à cause des conséquences financières de la violation d’une telle clause », affirme Tilleman.

Outre des dispositions spécifiques contenues dans le contrat de travail, on peut aussi insérer des sanctions dans le règlement de travail. « De surcroît, un employeur peut uniquement infliger une sanction qui est mentionnée dans le règlement de travail de l’entreprise. La rédaction de règles claires autour de l’utilisation des médias et de la technologie est également conseillée. Dans celles-ci, vous pouvez aussi clarifier, par exemple, à quelles fins l’employeur peut effectuer un contrôle. »

Trace papier

« S’il est néanmoins question d’abus ou d’infractions, il est important que l’employeur intervienne avec fermeté, et ce sans délai. Ce n’est pas seulement un signal clair à l’intention de l’auteur, mais aussi pour les autres collaborateurs », souligne Tilleman.

« Imaginez qu’un collaborateur soit pris en flagrant délit de vol. Si vous n’intervenez pas avec fermeté en tant qu’employeur, cela revient à valider le vol. Cela entraîne une dynamique nuisible dans l’entreprise. » Il est possible de réagir en donnant un avertissement ou en envoyant une mise en demeure, en imposant une sanction telle qu’une suspension avec perte de salaire, un licenciement moyennant paiement d’une indemnité de rupture ou un licenciement pour motif grave.

« D’un point de vue juridique, il est important de consigner toute sanction par écrit. Les employeurs sont parfois réticents à réagir immédiatement de façon formelle, et ce certainement quand il s’agit d’une faute non délibérée. C’est compréhensible, pour ne pas nuire à la relation de confiance. Mais si cela dérape – et cela n’est pas prévisible –, vous disposez d’insuffisamment de preuves. Si, par exemple, un juge doit statuer sur la question de savoir si un licenciement pour faute grave est justifié, il vérifiera toujours, entre autres, s’il existe des directives ou règles claires. Si tel n’est pas le cas, le juge peut statuer que le travailleur ne pouvait pas savoir qu’un certain comportement ou une certaine action n’était pas autorisée. Mais aussi du point de vue des RH, la transparence et la clarté sont importantes.

Intégrer explicitement dans la politique des évidences mêmes, telles qu’une interdiction de vol, n’est pas un luxe superflu. Il naît aussi souvent des discussions sur des choses qui se trouvent dans la zone d’ombre – par exemple : les travailleurs peuvent-ils ou non emporter des équipements délaissés ?  Des règles claires et une communication limpide sont dans l’intérêt de tous. Le but final est en effet de collaborer dans une bonne entente », dixit Tilleman.

Source : cette interview a été écrite par Hilde Vereecken et est parue dans HR.Square – 204 – mai/juin 2021 pp. 58-59.

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